10 millions de tonnes, 10 milliards de kilos : c’est le poids annuel du gaspillage alimentaire estimé chaque année en France. Un gâchis déconcertant qui a lieu à tous les étages, de la production à la consommation, en passant par la transformation, la distribution et la restauration.
Chaque année en France, la quantité du gaspillage alimentaire s’élève :
- Dans la distribution (hyper et supermarchés, hard-discounts, épiceries et commerces de proximité) à 2,3 millions de tonnes ;
- Dans la restauration (collective et commerciale) : 1,6 million de tonnes ;
- Dans les foyers : 5,2 millions de tonnes (soit 79 kg par personne).
Au total : 10 millions de tonnes (soit environ 137 kg par personne) si l’on additionne la distribution, la restauration et les foyers (sans compter les pertes liées à la production agricole ainsi qu’à la transformation et au conditionnement des produits dans les industries agroalimentaires).
Cette problématique est au cœur des préoccupations de notre association et impacte nos activités de distribution des colis alimentaires, d’épicerie sociale et de restaurant pédagogique.
En effet, en 2019, les denrées alimentaires récoltées auprès de nos magasins partenaires s’élevaient à 287 tonnes.
Une nécessaire loi pour accompagner les acteurs
Depuis 2016, la loi n° 2016-138 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire oblige les supermarchés de plus de 400 mètres carrés à donner leurs invendus alimentaires s’ils sont sollicités par des associations. En cas de refus, les supermarchés sont passibles d’une amende de 3 750 euros par infraction.
De nombreux acteurs s’accordent à dire que ce texte a permis une réelle prise de conscience dans l’ensemble de la société française.
D’après les chiffres des Banques Alimentaires, les denrées alimentaires collectées sont passées de 36.000 tonnes à 46.000 tonnes entre 2017 et 2018.
Loi anti-gaspillage 2020 – Ce qui va changer
Lundi 21 janvier, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage a entamé sa dernière ligne droite de son parcours législatif au Palais Bourbon. L’ultime étape s’achèvera devant les sénateurs, le 30 janvier. Si le législateur a fait de la lutte contre le gâchis alimentaire son cheval de bataille, le texte légifère dans tous les secteurs afin d’appliquer les mêmes obligations à tous les biens que le consommateur peut trouver dans un supermarché ou une grande surface.
Ainsi, la destruction (incinération et mise en décharge) des invendus non alimentaires neufs, comme les vêtements, les chaussures ou les produits de beauté, sera interdite par principe.
Ces produits seront orientés vers le réemploi, la réutilisation ou le recyclage, sauf exceptions.
Afin d’intensifier la lutte contre le gaspillage, la mesure sera étendue aux professionnels des halles et marchés avec l’obligation de proposer aux associations les denrées invendues encore propres à la consommation et donner en priorité les produits dits nécessaires à des associations de lutte contre la précarité.
Un business gagnant pour tous
Le business anti-gaspi est autant bénéfique pour les enseignes que pour les associations caritatives ou l’État. Si bien que tous trois ont intérêt à soutenir la solidarité et la lutte contre le gaspillage.
Grâce aux nouvelles solutions déployées, les magasins bénéficient de plusieurs briques d’expertise dans leur mécanique de gestion des produits. Des acteurs pionniers comme l’équipe de Zéro Gâchis accompagnent les enseignes pour mieux vendre à prix réduit des produits en date courte. Autre exemple, l’application TooGoodToGo réduit le gâchis en proposant à la vente à petit prix les restes des commerçants à la fermeture des cuisines. Enfin, les entreprises comme PHENIX s’appliquent à consolider l’ensemble de l’écosystème en proposant des solutions clés en main pour valoriser les invendus auprès des acteurs de l’aide alimentaire.
Du côté des enseignes, les avantages économiques dépassent largement la réduction significative du volume de déchets jetés à la poubelle. Une récente étude montre que chaque euro investi par les entreprises dans la lutte contre le gaspillage génère 14 € de gain.
Par exemple, les activités anti-gaspi permettent d’augmenter le chiffre d’affaires grâce à la vente promotionnelle des denrées dont la date limite de consommation est proche, mais aussi de participer activement à la lutte contre la précarité par le don aux associations —récompensé par une réduction d’impôt à la fin de l’année. Le tout autour d’un projet positif et fédérateur pour les équipes en magasin, et bénéfique pour l’image des enseignes (en venant concrétiser leurs politiques « RSE » parfois taxée de « Green Washing »).
Les enjeux pour notre association
Pour La Manne Alimentaire, les enjeux de cette nouvelle économie circulaire sont conséquents. L’augmentation significative de notre activité de distribution de colis va imposer une réorganisation interne importante. Elle passe par l’actuelle réflexion autour du recrutement d’un encadrant technique spécialisé dans la gestion des stocks et des flux ainsi que par l’investissement dans un nouveau véhicule frigorifique.
Dans notre organisation du quotidien, les volumes de marchandises traités nous imposent de mettre en place des stratégies en amont afin de mieux évaluer les quantités reçues tant en quantité qu’en qualité, de continuer à former les équipes au tri, au respect des normes d’hygiène, à la sécurité. La Manne doit consolider ses partenariats avec les distributeurs et continuer à travailler ponctuellement avec des entreprises locales (boulangeries, restaurateurs). Enfin, elle se doit de réfléchir à la logistique des différentes tournées de récupération, notamment par la présence de bénévoles aux côtés de nos chauffeurs.
Les
équipes de La Manne Alimentaire et ses bénévoles s’emploient à s’adapter,
parfois dans l’urgence, aux aléas de la récupération de denrées, dans l’unique
objectif de lutter contre la précarité alimentaire croissante sur le territoire
Colmarien.